Basket 3x3

Yann Rakotomalala : « En deux ans nous sommes passés des rues de Taipei au FIBA 3x3 World Tour »

Par Tom Thuillier|9 oct. 2024
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Expatrié à Taiwan depuis 4 ans, le français Yann Rakotomalala a fondé en 2022 l’équipe de « Taipei City » qui tente de se faire un nom sur le circuit internationale « FIBA 3x3 World Tour ». Rencontre avec un passionné de 3x3 qui a su mêler audace et détermination.

Tout d’abord peux-tu présenter ton parcours ?

J’ai 28 ans, je suis ingénieur et fondateur des Knights, l’équipe de « Taipei City » représentant Taïwan sur le circuit 3x3 international depuis 2023. Je suis originaire de Bordeaux où j’ai joué pas mal de temps dans la région en NM3 et NM2 avant de rejoindre l’Est de la France. J’ai découvert le 3x3 en 2015 à la fac de Bordeaux aux côtés des fondateurs du collectif « Bordeaux Ballistik », Eddy Steiner et Alex Vialaret. Nous avons disputé la ligue mondiale universitaire où nous avons fini vice-champions durant deux ans puis j’ai eu la chance de défendre les couleurs de la France lors du Championnat de Monde Universitaire en Chine avec Alex Vialaret, Cyril Scherrens et Aurélien Blanchard où nous avons été sacrés champions du monde. Ce titre a été un tremplin qui nous a permis d’être appelé par Richard Billant et Karim Souchu lors d’un stage de pré-sélection en Équipe de France 3x3. Toutes ces expériences m’ont fait réaliser à quel point le 3x3 était une voie d’avenir.

Après être passé par Bordeaux et le Nord-Est de la France, qu’est-ce qui t’a amené à Taiwan ?

Je suis parti à Taïwan en 2020, en plein pandémie COVID, après avoir obtenu mon diplôme d’ingénieur. Cette période a marqué un tournant pour moi, car j’ai découvert un écosystème dynamique et des opportunités uniques que je n’aurais jamais imaginées. En 2022, je suis revenu à Taïwan pour une mission initiale de deux ans en tant qu’ingénieur, mais la passion pour ce que je construisais ici, que ce soit avec les Knights ou l’entrepreneuriat, m’a poussé à faire un choix audacieux. À la fin de ma mission, j’ai décidé de rester. Il ne s’agissait plus seulement de mon travail d’ingénieur, mais d’une vision plus grande : transformer des idées en réalité, redéfinir les limites et bâtir quelque chose de durable.

Comment êtes-vous parvenu à amener une équipe de streetball Taiwanaise sur le World Tour ?

Arrivé en pleine pandémie COVID, alors que le monde se confinait, Taïwan restait l’un des rares pays où l’on pouvait encore jouer, même en extérieur. À ce moment-là, je me suis éloigné du basket traditionnel pour revenir à mes racines, le streetball. Avec quelques amis et étudiants internationaux, nous avons commencé à parcourir les terrains de streetball autour de Taipei. Très vite, notre style de jeu a attiré l’attention. Les gens nous ont remarqués, et une vidéo de nos performances est devenue virale, atteignant presque un million de vues sur YouTube. C’était un moment où tout semblait possible. À partir de là, chaque match devenait un défi, avec des adversaires locaux qui voulaient tester nos limites. Une rivalité amicale entre deux collectifs de Taipei s’est créé, l’un composé de streetballers locaux, et le mien composé de joueurs internationaux. Après de nombreuses confrontations sur les terrains, nous avons pris conscience que, ensemble, nous pourrions accomplir bien plus. En 2022, nous avons décidé de fusionner nos forces et de former une équipe capable de représenter Taipei à Taïwan et pourquoi pas à l’international. Nos débuts ont été marqués par un tournoi d’exhibition de la ligue taïwanaise « Absolute 3X3 ». Nous avons surpassé toutes les attentes, et cela a attiré l’attention du promoteur de la ligue, qui nous a proposé de rejoindre leur championnat sous certaines conditions financières et légales. Cela nous a obligés à structurer davantage notre équipe. C’est ainsi qu’est née l’équipe « The Knights », connue sous le nom de « Taipei City » sur le circuit 3x3 international.

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Comment s’est passé les premières années pour votre équipe de « Taipei City » ?

Dès notre première saison en 2023, nous avons terminé dans le Top 5 ce qui nous a ouvert les portes du tour préliminaire du Challenger de Taipei. Même si nous n’avons pas réussi à passer le tour préliminaire le simple fait d’être là, sans contact ni soutien initial, avec un fonctionnement amateur était déjà une victoire. Nous avions prouvé que tout était possible avec une vision et de la persévérance.

Concrètement comment se déroule le circuit « Absolut3X3 » à Taiwan ?

Le circuit est composé de 12 équipes masculines et 12 équipes féminines, il y a 8 étapes de saison régulière sur le territoire Taiwanais et une étape finale. Ces neuf étapes permettent également aux équipes de se qualifier pour des étapes du prestigieux « FIBA 3x3 World Tour ». EN 2023, deux étapes étape offraient chacune un billet pour un Masters et les cinq meilleures équipes à l’issue de la saison régulière se qualifiaient pour le Challenger de Taipei. Pour cette deuxième année, quatre billets pour des Challenger étaient mis en jeu dont le Challenger de Taipei. Chaque étape offre un prize money allant de 500€ à 2000€ par équipe, auquel s’ajoute le support financier de la ligue pour les équipes se qualifiant pour des étapes du World Tour. Ainsi ce ssystème permet aux petites équipes et aux équipes en développement de gravir les échelons du 3x3 mondial.

Vous êtes actuellement sur votre deuxième année complète d’existence, comment cela se passe-t-il ?

Nous continuons à nous structurer, un peu à la manière d'une équipe semi-pro, avec des entraînements basket chaque soir, et une préparation physique plus rigoureuse. En avril, la FIBA 3x3 nous a contactés pour représenter Taïwan lors du SuperQuest de Ulaanbaatar qui lançait en quelque sorte la saison et était une étape qualificative pour un Masters du World Tour. Nous avons été éliminés en quart de finale par l’équipe de « Sansar » qui était ni plus ni moins que le l’équipe nationale de Mongolie qui se préparait pour le Tournoi de Qualification Olympique (TQO). Pour une équipe de streetball formée un an plus tôt, c’était un accomplissement majeur. L’événement a fait grand bruit à Taïwan, car jamais une équipe n'avait atteint un tel stade dans un tournoi international de 3x3. En deux ans, nous avons réussi à nous qualifier pour deux Challengers (le circuit secondaire du World Tour) et à disputer un quart de finale de SuperQuest (étape qualificative pour un Masters), avec des joueurs qui n’étaient pas référencés sur le circuit international. C’est incroyable de voir à quel point en deux ans nous sommes passés des rues de Taipei au FIBA 3x3 World Tour, ce genre de parcours est vraiment spécifique au 3x3.

Vous avez senti un véritable engouement autour de votre équipe à ce moment-là ?

Absolument. Les médias ont largement couvert notre équipe et notre parcours lors du SuperQuest de Ulaanabaatar. Nous avons également la chance d’avoir dans notre équipe des joueurs qui ont su développer une belle présence sur les réseaux sociaux. Par exemple, Kai-Zheng Wang a créé une chaîne YouTube autour du streetball et Bradley Barth, ancien acteur et basketteur de haut niveau à Taïwan, compte plus de 40 000 abonnés sur Instagram. Je suis vraiment reconnaissant de pouvoir compter sur des joueurs locaux ayant déjà une plateforme, ainsi que sur des anciens pros ou universitaires américains. Cela crée une belle alchimie dans notre équipe. Les gens ont pu suivre notre parcours à travers nos réseaux et découvrir la personnalité unique de notre équipe.

La communication est un aspect important pour vous ?

C’est primordial. Grâce à nos réseaux sociaux, nous avons pu nouer des partenariats avec des marques qui souhaitent être associées à notre énergie et à notre succès. Chaque tournoi, chaque victoire est une opportunité de créer du contenu et d’interagir avec notre communauté. Nous voulons que les gens ressentent notre passion pour le 3x3 et qu’ils comprennent que cette discipline est bien plus qu’un simple jeu : c’est une expérience immersive.

De plus en plus d’équipes en Chine font appelle à des joueurs internationaux américains et européens, c’est un phénomène auquel vous êtes confrontés à Taiwan ?

Pour l’instant nous sommes la seule équipe composée de joueurs étrangers, une exception sur le circuit Taiwanais. Cependant davantage d’étrangers regardent notre ligue de près car de plus en plus d’équipes de Taiwan participent à des étapes du « FIBA 3x3 World Tour », le circuit international. Nous également avons la chance d’avoir Sanjin Balas, conseiller spécial auprès de la ligue, riche de son expérience au sein de grosses écuries du World Tour comme Ub Huishan NE, Liman, et Wuxi WenLv. En dispensant des séances pour les équipes locales cela permet aux équipes de Taiwan comme la nôtre de prendre une dimension supplémentaire et franchir un nouveau cap dans leur développement.

Comment juges-tu le développement du 3x3 en Asie ?

En Asie du Sud Est le 3x3 connait un véritable boom car cela permet de combler l’écart qui existe en 5x5. Taïwan ne fait pas exception. Le Japon, la Thaïlande, et le Vietnam sont désormais sous la bannière 3x3.EXE Premier, un circuit continental permettant aux équipes de tendre vers le très haut niveau. Singapour, la Malaisie et Hong Kong recrutent des coachs et ancien joueurs internationaux de premier plan ce qui contribute à pousser le niveau général vers le haut. Nous voulons être le porte-étendard de Taïwan dans cette dynamique. Nous sommes une des équipes les plus exposées médiatiquement à Taïwan et nous nous efforçons de montrer l’exemple, en créant du contenu de qualité pour élever la notoriété du 3x3.

Quel est le projet à long temps pour votre équipe de « Taipei City » ?

Pour l’instant nous avons encore des étapes de la ligue nationale « Absolut3X3 » dont la finale avec des qualifications à aller en chercher pour des Challenger. On ne se fixe pas d’objectif particulier ci ce n’est de montrer qu’on progresse c’est pourquoi on veut faire mieux que ce qu’on a fait l’an dernier. On veut vraiment obtenir la qualification pour le tableau principal de Taipei Challenger car on est l’équipe locale. Je pense que ce serait une belle récompense pour l’équipe et les supporteurs et cela permettrai de donner une belle plateforme d’expression au 3x3 dans la capitale.