Septembre 2023. Huit joueuses répondent à l’appel de la FFBB pour intégrer le groupe de préparation olympique en vue des Jeux de Paris 2024. L’ambition est claire : préparer dans les meilleures conditions possibles cette échéance capitale à domicile. Discipline olympique depuis Tokyo, le 3x3 allait, pour l’édition parisienne des JO, prendre ses quartiers sous les ors du parc urbain de la Place de la Concorde. Ce groupe, piloté par Yann Julien et complété par Jodie Cornélie, Marie Mané et Eve Webanyama, a donc vécu douze mois dans une bulle avec au programme des stages intensifs, des tournois de préparation et une participation aux FIBA 3x3 Women’s Series, le circuit mondial.
Au cœur d’une année à distance d’un championnat qui a continué à avancer sans elles, il a fallu chasser les doutes qui ont pu survenir au moment de se lancer. "On s'écarte du circuit donc tu te poses des questions c’est sûr. Après on préparait un truc de fou donc en vrai c'était OK", confesse Anna Ngo Ndjock. "Je ne savais pas si j'allais trouver un projet à la hauteur de mes espérances", avoue Marie-Eve Paget alors qu’Hortense Limouzin a "essayé de faire le maximum (pour trouver un club) avant de partir avec le 3x3. On était dans un projet qui faisait qu’on n’était pas forcément concentré là-dessus." Engagée avec Villeneuve d’Ascq, Myriam Djekoundade a dû quitter le club nordiste à mi-contrat pour vivre son rêve olympique : "On avait encore des choses à aller chercher, des choses à construire. Je n'étais pas sûre de retrouver quelque chose dans lequel j’étais autant confortable." L’ailière a en effet manqué la formidable saison des Guerrières, championnes de France et finalistes de l’Euroligue, puis a rebondi dans le sud-ouest. "J'ai eu de la chance parce que Basket Landes est un super club, je suis tombée dans une bonne équipe mais il n’y avait rien d’écrit d'avance", admet, soulagée, la native de Castres.
Le club des cinq qui a retrouvé les parquets de La Boulangère Wonderligue a forcément dû réapprivoiser le grand terrain après une année complète à n’en arpenter qu’une moitié. Hortense Limouzin, meneuse de Lattes Montpellier, confirme "qu’il y avait un petit peu d'appréhension car ça faisait longtemps que j’étais partie au 3x3. Le corps a redécouvert les efforts du 5x5." Du côté de la Landaise Myriam Djekoundade "ce qui a facilité cette transition, c’est le staff. Il s’est assuré que j'aille aussi bien mentalement que physiquement." A l’inverse, Anna Ngo Ndjock (Angers) n’a pas connu de difficulté pour se remettre dans le bain : "On ne quitte pas un sport pour un autre sport, ça reste du basket." Marie-Eve Paget, qui a trouvé un club plus tardivement que les autres, considère que son acclimatation à Villeneuve d’Ascq "se fait encore à ce jour même si les automatismes sont vite revenus. C'est plus d'un point de vue mental, de switcher d'un projet où on s'est tant investie pour un autre."
Passer une saison loin d’une discipline qu’elles pratiquent depuis des années a fatalement généré des manques. "On a commencé notre prépa assez tard donc on a vu les copines reprendre les matchs. Ça m'a tout de suite fait quelque chose", indique Ngo Ndjock. Ses copines citent également, pêle-mêle, "les courses", "la vie de groupe", "la compétition" ou encore "le fait de construire, faire évoluer une équipe sur des longues périodes."
Cette longue préparation, dont l’issue n’a pas été celle espérée par tous (la France a terminé à la 8e et dernière place des JO), a forcément laissé des traces comme le convient MEP : "l'échec des Jeux a été très douloureux donc forcément ça m'impacte en tant que personne. Quand il y a quelque chose de douloureux qui s'est passé, on est un petit peu abîmé et quand on est un peu abîmé, ça permet de reconstruire de nouvelles choses." Un constat partagé par Limouzin pour qui cette expérience "permet, au quotidien, de prendre un peu de hauteur sur certaines choses qui peut-être pourraient frustrer. La vie continue, on a encore de belles choses à vivre, tout n'est pas à jeter à la poubelle." On pense notamment à la médaille d’argent décrochée à l’Europe Cup 3x3 moins de trois semaines après le crash parisien puis la victoire dans le tournoi final des Women’s Series le 8 septembre.
Au-delà de l’échec olympique, elles retiennent surtout ce qui les a changées tant humainement que sportivement. "Je suis beaucoup plus dure parce que quand tu joues toute l'année avec des filles comme Laëti ou Hortense, tu ne peux que t'améliorer" (Ngo Ndjock), "ça m'a aidée à vraiment prendre conscience de la joueuse que je suis et de la joueuse que je peux tendre à être" (Limouzin). Djekoundade développe son propos, quasi-philosophe : "Vivre dans une bulle avec les mêmes personnes pendant un an, ça pousse à un petit peu plus creuser chez les gens, à mieux comprendre les uns et les autres. Et en apprenant un petit peu plus sur les autres, on se connaît mieux soi-même. Ce qu'on vit en tant que sportive de haut niveau est un petit peu plus à savourer je dirais. Cette année m’a permis de faire pause dans le temps et de prendre un petit peu plus de recul sur ce qu'on fait et ça c'était vraiment génial."