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Le rôle des Patros dans le basket français

Jean-Marie Jouaret - 22/03/2011
Jean-Marie Jouaret et l'Amicale des Internationaux vous proposent de façon régulière de revivre l'Histoire de notre sport à travers des anecdotes, des portraits ou encore des interviews. Pour ce premier rendez-vous, présentation du rôle des Patros dans le basket français.

Le premier match de basket de l’histoire eût lieu dans le champ du printemps (Springfield dans la langue locale, celle de l’état du Massachussets, USA) le 20 janvier 1892. Le docteur James Naismith, éducateur protestant au foyer de le Young Men Christian Association (YMCA, popularisé par les Village People il y a 25 ans) venait d’inventer un sport tout exprès pour les 18 adolescents aussi boutonneux que fainéants dont il avait la charge, et qui refusaient de foot-baller ou base-baller dans le froid et la neige de l’est Américain.

Il n’y eût pas de match : l’une des équipes de 9 joueurs écrasa son adversaire 1-0 grâce au panier d’un (in) certain William Chase, un pionnier ! Deux ans plus tard, ou presque, le 27 décembre 1893, ce fut la première démonstration en Europe, au foyer de l’Union Chrétienne des Jeunes Gens, UCJG, version Française des YMCA, rue de Trévise à Paris.

Ce produit protestant séduisit bientôt… les vicaires de paroisse catholiques, qui cherchaient eux aussi à occuper intelligemment les godelureaux qui fréquentaient le patronage. Ce sport était parfait : éducatif (pas de contacts, obligation de se signaler à tous en levant la main à chaque faute) nécessitant peu de place, parfois même seulement
un panier sur un mur…

Ce sont donc les patronages, surtout catholiques, qui popularisèrent ce sport en France, comme l’a excellemment rappelé Sabine Chavinier (petite-fille de Maurice, président de la FFBB de 1961 à 1966, et fille de Jacques, champion de France en 1961 et 1962 avec l’Alsace de Bagnolet) dans sa thèse de doctorat la genèse du basket Français, 1893-1933 : balles perdues, interceptions et passes décisives des protestants Américains aux catholiques Français.

Sport de salle par vocation, le basket prospéra pourtant en plein air dans des centaines et des centaines de cours de patro, d’école et les terrains « vagues » des quartiers et des villages. Souvent, telle ou telle équipe urbaine arriva au sommet, et il y eût toujours plusieurs « gars des patros » dans les équipes de France.

Oublions la « préhistoire » et passons à la Libération : de 1945 à 2005 compris, donc en 60 ans, le titre est revenu 38 fois à un patro ou un ancien patro modernisé et formaté aux obligations du professionnalisme ;

En 1945, c’est Championnet (Paris 18e) qui fournira 3 ans plus tard le quart de l’équipe vice championne olympique à Londres (Dédé Barrais, Maurice Desaymonet et Maurice Girardot).
En 1949, 50, 52, 55, 56 et 57, c’est un club né de la fusion d’un patronage catholique, l’Eveil Sportif Sainte Marie de la Guillotière (ESSMG) de Robert Busnel et André Buffière, avec l’AS Villeurbanne, club « laïque » (très !) puisqu’ affilié à la FSGT .

En 1958 et 1960, c’est l’Etoile Sportive de Charleville-Mézières, grâce au premier pivot moderne du basket Français, Jean-Paul Beugnot, « alimenté » par Jean Perniceni.. C’est un autre patro, venu de nulle part, qui lui succède en 1981, 62 et 67 : l’Alsace de Bagnolet et ses fratries : 2 Dorigo, 2 Toffolon et 3 Mayeur, plus Jean-Marie Jouaret.

L’ASVEL revient ensuite en force : ce n’est plus un patro, la municipalité de Villeurbanne lui ayant indiqué qu’une affiliation à une fédération catholique fait un peu désordre pour une ville socialiste. Le club a donc quitté la FSF dont elle a conservé l’esprit et gagné 9 fois la coupe entre 1949 et 1959. La place toute chaude a été prise par Bagnolet (battu en finale en 1959, 75-71) qui fera mieux : 11 Coupes sans interruption (1960-1970) avant d’être mis « hors concours » pour cause de découragement de la concurrence…


L’ASVEL est champion en 1964, 66, 68, 69, 71, 72, 75 et 77… et c’est encore un patro qui s’est immiscé, en 1973 et 1974 : l’AS Berck de René Fiolet, Jean et Pierre Galle, Yves-Marie Vérove, Jean Caulier, Didier Dobbels et Jean Racz. Certes, à la Libération, le club est « passé à l’ennemi » (l’Union française des OEuvres Laïques d’Education Physique, UFOLEP) mais il a bien été fondé par l’abbé Vandewalle en 1929…

Il faut attendre 6 ans pour qu’un nouveau patro, professionnalisé pour sa seule équipe phare, mette sa grosse patte sur la championnat : le Cercle Saint Pierre de Limoges gagne en 1983, 84, 85, 88, 89 et 90. Et qui s’est glissé dans les intervalles avant de prendre la succession ? Le club préféré des supporteurs Limougeauds, un autre patro
Américanisé devenu machine à gagner pour ses 12 meilleurs, l’Elan Béarnais d’Orthez et son marché couvert où les équipes étrangères horrifiées jouent, en coupe d’Europe, « sur le caca d’oie » de la Moutète… L’Elan remporte les titres de 1986, 87, 92, 96, 98, 99, 2001 et 2004.

Limoges est brièvement revenu (2000) et en 2005, surprise, c’est un 8e « ex » patro qui triomphe : la Sportive d’Illkirch-Graffenstaden, déjà au haut niveau dans les années 60 avec Jérôme Christ et René Zimmer.

38 titres en 60 ans, beau palmarès, enrichi par 2 victoires de patros... laïques, nés eux aussi au début du 20e siècle dans la cour d’école d’un instituteur sportif dans l’âme et désireux d’offrir aux gamins une alternative au « club des curés » : la Chorale Mulsant de Roanne (1959…et 2007, bien sûr, on s’en souvient encore) d‘Henri Rhodamel, avec Alain Gilles, Maurice Martelot, André Vacheresse et Henri « Riton » Villecourt, puis, en 1965, et l’AS Denain Voltaire (Jean Degros, Claude Lempereur, Jean-Pierre Staelens, Daniel Ledent).

Dans ces mêmes années 60, il y a aussi la Jeanne d’Arc de Vichy (toujours là…) et, à l’étage au dessous, en vrac : la Saint Charles d’Altforville, la Vendéenne de La Roche sur Yon, les Jeunes Saint Augustin de Bordeaux, l’Epine de Chantonnay, l’Hermine de Nantes, la Jeune France de Cholet (qui donnera Cholet Basket par scission au sein du club en 1975) les Bleuets d’Agen, l’Etoile de Voiron, l’AS Tarare, l’Association Saint Pierre de Neuilly, Ménilmontant Patro Sports, et, plus tard, l’ESM Challans….

Lors de cette saison 2010-2011, sur les 16 clubs de Pro A, 7 ont été ou sont encore des patronages, sauf pour leur équipe pro : aux 5 déjà cités, il faut d’ajouter Le Havre (ex Saint Thomas d’Aquin) et Poitiers, né en 1986 de la fusion du Stade Poitevin et du CEP, le Cercle d’Education Physique catholique.

En Pro B, il y en a 7 sur 18 : Charleville, la Jeanne d’Arc de Dijon, l’Hermine de Nantes, la Jeunesse Sportive des Fontenelles de Nanterre, l’Union Jeanne d’Arc Phalange de Quimper et Saint Vallier (ex Jeanne d’Arc)… plus Bourg en Bresse, patro laïque comme l’indique son sigle : JL, Jeunesse Laïque.

Frères basketteurs et soeurs basketteuses, allez en paix !

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