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Ligue Féminine - Portrait

Kadi l’Américaine

Julien Guérineau - 26/12/2023
Elle était une des grandes curiosités du mercato d’été. Kadiatou Sissoko (1,88 m, 24 ans), draftée en 29e position par le Phoenix Mercury après cinq ans en NCAA, est rapidement devenue une titulaire indiscutable avec les Flammes Carolo.

Elle avait fait une dernière apparition LFB le 14 avril 2018, sur le parquet de Montpellier. 11 minutes discrètes (2 points) passées au côté de Céline Dumerc, sous le maillot de Basket Landes. A 19 ans, Kadiatou Sissoko découvrait l’élite après sa formation au Pôle France. Depuis, la Francilienne n’avait plus été revue sur un parquet français avant le coup d’envoi de la saison 2023/24. Et en plus de cinq ans, son statut a bien changé. Elle a ainsi retrouvé la LFB après avoir été draftée au premier tour par le Phoenix Mercury puis disputé 40 rencontres avec la franchise de l’Arizona. Et en octobre, la jeune femme de 24 ans a fêté ses deux premières sélections en Équipe de France à l’occasion des qualifications à l’EuroBasket 2025.

Un retour après cinq années passées dans le système universitaire américain, au sein de trois institutions différentes. Un parcours rare et une signature qui s’accompagnait de la volonté de prouver que son éloignement avait servi sa carrière de basketteuse. "J’avais envie de montrer ce que j’ai appris aux Etats-Unis, que j’ai une dimension nouvelle par rapport à la joueuse que j’étais à 18 ans", explique Sissoko. "En même temps j’avais beaucoup d’appréhension. Je sais que le cursus américain et le système de jeu français sont très différents. Et la Ligue Féminine c’est vraiment le très haut niveau. Mais j’avais aussi confiance dans le travail que j’avais fourni et je savais que j’étais une pièce importante du recrutement de Charleville." A Noël, la poste 3 passe 30 minutes sur les parquets en LFB (8,3 pts, 5,1 rbds) comme en Eurocup (9,2 pts, 6,2 rbds) et a convaincu Jean-Aimé Toupane de la tester dans le processus de renouvellement, un brin forcé, entamé par le sélectionneur.

Le milieu français a pu dès lors se souvenir que Kadiatou Sissoko était une incontournable des Équipes de France de jeunes avec lesquelles elle a disputé sept compétitions internationales entre 2014 et 2018, remportant au passage le titre européen en U18 avec Alexia Chartereau ! Et si, comme sa coéquipière à l’INSEP, elle a lancé sa carrière dans le championnat de France, c’est vers les Etats-Unis qu’elle s’est ensuite tournée, choisissant de quitter Mont-de-Marsan pour Syracuse à l’été 2018. "Je n’ai jamais exclu le parcours professionnel en France. Mais c’est un moment de ma vie où je n’étais pas prête à avoir ce train de vie", se rappelle-t-elle à propos de sa saison à Basket Landes. "Le double projet était intéressant. Mes parents voulaient vraiment que j’ai un plan B. Pour les femmes c’est compliqué, les carrières ne sont pas très longues ou rémunératrices. La blessure n’est jamais loin. Ça les rassurait que je puisse poursuivre mes études."

Elle exploitera pleinement les nouvelles possibilités offertes par la NCAA. Après un an à Syracuse (avec Marie-Paule Foppossi et Maeva Djaldi-Tabdi), Sissoko rejoint Minnesota, reste sur la touche pendant un an, transfert oblige, puis dispute avec les Gophers ses saisons sophomore et junior. Les règles ayant évolué, elle choisit d’effectuer sa dernière année d’éligibilité à Southern California. Elle y brille tant (15,4 pts, 6,2 rbds) que le Mercury la retient en milieu de troisième tour à la draft. Mieux même, elle parvient à se faire sa place dans le roster et dispute 40 matches. "La WNBA a beaucoup boosté ma confiance et m’a démontré que je pouvais faire plein de choses sur le terrain", estime-t-elle.

De Phoenix à Charleville-Mézières, la néo-internationale a fait un grand saut qu’elle appelait de ses vœux, désireuse de se rapprocher de ses racines et de revenir dans un milieu du basket français dont elle s’était largement éloignée : "J’étais excitée. C’est le début d’une nouvelle aventure. Et je ne suis pas loin de Paris, ma famille est juste à côté après cinq ans loin d’eux. Je sais qu’en France la NCAA n’est pas très suivie. Avoir été dans les Équipes de France jeunes fait que j’étais encore dans la tête des gens, je n’étais pas sortie des radars. Est-ce que les gens sont surpris de ce que je fais ? J’espère. En tout cas le coach attendait des choses de moi."

Celle qui a obtenu un diplôme de communication à Minnesota puis un master en entreprenariat à USC s’est rapidement réacclimatée à la France, faisant en sorte de ne pas rester bloqué dans un système US aux moyens sans commune mesure avec les réalités hexagonales. "Aux Etats-Unis l’assistanat est plus important. Tu as quelqu’un pour s’occuper de ton billet de train, de ton linge sale, de ta nourriture. Il faut s’ajuster", sourit-elle. "L’expérience à Basket Landes m’a aidée donc ce n’était pas brutal, je savais à quoi m’attendre. Et quand j’arrive en Équipe de France, je ne me vois pas avec un statut WNBA. Je me demande comment je peux apporter au collectif et aller loin ensemble. Je suis la Kadi prête à mouiller le maillot C’était une grande fierté à l’époque d’être internationale en jeunes et la suite logique était de rentrer en équipe A. C’était un rêve. Après le parcours a été différent du parcours classique mais je suis contente de montrer qu’on peut emprunter d’autres chemins et trouver sa voie."